ITALIENS (LES), théâtre

ITALIENS (LES), théâtre
ITALIENS (LES), théâtre

ITALIENS LES, théâtre

Les comédiens italiens qui, au XVIIe et au XVIIIe siècle, se sont, pendant deux longues périodes, installés en France, ont joué dans l’histoire de notre théâtre un rôle considérable. Dès le dernier tiers du XVIe siècle et tout au long de la première moitié du XVIIe, des troupes vont de ville en ville; certaines d’entre elles (en premier lieu celle de Flaminio Scala, dit Flavio, qui avait été mandé en 1577 par Henri III) demeurent un moment à Paris, mais ne parviennent pas à s’y fixer. En 1645, la troupe du fameux Tiberio Fiorelli, dit Scaramouche, s’établit au Petit-Bourbon; elle quitte elle aussi la capitale en 1659, mais y revient l’année suivante, et y restera jusqu’en 1697: elle finit par s’installer au Palais-Royal (près de Molière qui s’entendra bien avec elle et retiendra ses leçons), cependant que l’on compte en province une quinzaine de troupes itinérantes. Aux côtés de Tiberio Fiorelli, un groupe d’acteurs tenant les emplois traditionnels, en particulier, depuis 1647 au plus tard, Domenico Locatelli (Trivelin) et surtout, à partir de 1660, Joseph-Dominique Biancolelli, dit Dominique (Arlequin); d’autres plus tard assureront la relève. Le répertoire des Italiens comprend des commedie sostenute de leur pays et des pièces à grand spectacle, mais ils représentent surtout des farces en trois actes, improvisant sur un canevas, selon la formule de la commedia dell’arte ; d’où l’importance du jeu des acteurs — d’autant plus que, s’exprimant dans leur langue ou du moins dans un jargon franco-italien, ils ont sans cesse recours, pour amuser le spectateur, aux mimiques, aux gesticulations, aux gambades et autres «inventions» comiques. De plus en plus, ils se spécialisent dans les parodies des grandes œuvres dramatiques et dans les sujets d’actualité (mode, travers et même politique: Arlequin «tâchait en riant de corriger les mœurs corrompues»). En même temps que cette orientation vers la comédie de mœurs se précise, les Italiens renoncent progressivement à leur idiome national. Un tournant décisif, qui vaut à leur théâtre un regain de succès et d’influence, est pris lorsque, à partir de 1681 (ils viennent de s’installer à l’hôtel de Bourgogne), ils font appel à des auteurs français. Les comédies ou scènes qu’ont composées pour eux, entre autres, Regnard, Dufresny et surtout un excellent dramaturge trop longtemps méconnu, Anne Mauduit de Fatouville, ont été en 1694, puis en 1697, réunies dans un recueil par Évariste Gherardi, devenu l’Arlequin de la troupe. Dans ces pièces «faites de scènes à peine liées», qui ne sont souvent qu’une suite de sketches, on retrouve les traditions de la comédie italienne: «Mêmes masques. Mêmes types comiques: celui de la servante effrontée, du tuteur bafoué, du valet intrigant, de la jeune fille capricieuse et imprudente. Même goût du merveilleux: statues qui s’animent, interventions de fées et de magiciens» (A. Adam). Mais cette tradition est transformée par la satire des mœurs contemporaines, souvent violente: dans Arlequin Grapignan (1682), Le Banqueroutier ou l’Art de faire banqueroute (1687), Le Marchand dupé (1688), Fatouville dénonce la montée d’une nouvelle puissance, celle de l’argent. Les audaces des Italiens provoquent leur renvoi: lorsque en 1697 ils jouent La Fausse Prude , en qui l’on reconnaît Mme de Maintenon, Louis XIV, qui les avait toujours protégés et aidés, leur demande de quitter la France. Ils seront «rétablis», près de vingt ans plus tard, à la mort du roi: en 1716, le régent fait venir à Paris la troupe de Luigi Riccoboni (Lelio), qui s’installe d’abord au Palais-Royal puis, à nouveau, à l’hôtel de Bourgogne. Cette troupe comprend notamment Thomasso Vicentini dit Thomassin (Arlequin), Hélène Baletti (Flaminia), Rosa Giovanna Benozzi (Silvia), puis Dominique fils (Trivelin) et Carlo Bertinazzi, le dernier Arlequin. Outre les farces traditionnelles, les Italiens jouent à nouveau des parodies (par exemple Agnès de Chaillot , parodie d’Inès de Castro d’Houdar de La Motte) et des pièces françaises — en particulier de Lesage et surtout de Marivaux, qui trouve en Silvia une interprète idéale. De plus en plus, ils multiplient les divertissements, et leur répertoire se rapproche ainsi de celui de l’Opéra-Comique venu de la Foire (où les Italiens eux-mêmes sont allés un moment chercher un succès qui se dérobait) et spécialisé dans un genre nouveau, la comédie à ariettes. Les Italiens (qui déjà avaient engagé des artistes français, notamment Mlle Favart) et l’Opéra-Comique fusionnent en 1762. Ainsi absorbée, la comédie italienne finira par disparaître: en 1779, on supprime les turlupinades et, une dernière fois, on renvoie presque tous les acteurs italiens. Le théâtre qui donnera son nom au boulevard des Italiens n’aura plus lui-même d’italien que le nom.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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